Résume de l'année 2024 de la concertation sociale

Un aperçu original du dialogue social et des conflits sociaux en 2024. Chaque semaine, nous avons parcouru les médias pour observer comment les tendances, les faits et les chiffres étaient présentés. Vous trouverez ci-dessous un résumé, agrémenté ici et là de quelques commentaires en bonus.

 

Toutes vos réactions sont les bienvenues.

 

Par Manou Doutrepont et Paul Soete.

Résume de l'année 2024 de la concertation sociale

La concertation sociale en 2024

Un aperçu original du dialogue social et des conflits sociaux en 2024. Chaque semaine, nous avons scruté les médias pour y dénicher les tendances, les faits et les chiffres. Ci-dessous un résumé de nos recherches agrémenté de-ci de-là de commentaires.

 

Permettez-nous, avant de dresser le bilan de l’année écoulée, de vous adresser nos meilleurs vœux pour l’an neuf. Nous croyons en l’importance et la force de la concertation sociale. Les conflits ouverts en font partie, tout comme la nécessité de corriger les dérives. Le dialogue est essentiel pour surmonter les polarisations. La paix sociale est nécessaire pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Nous souhaitons, avec de nombreux autres professionnels et observateurs – et, espérons-le, avec vous, cher lecteur –, que la culture de la concertation sans dogmes soit préservée et, à certains niveaux, restaurée.

Manou Doutrepont et Paul Soete

 

CONCERTATION INTERPROFESSIONNELLE

 

LE CONTEXTE

Dans le cadre de l’application de la loi sur la norme salariale, l’indexation a été garantie pour la période 2023-2024, et les négociations salariales ont été suspendues. Un accord interprofessionnel sur les salaires n’a pas été possible. Le gouvernement a toutefois ouvert la voie à des négociations sur la prime pouvoir d’achat en 2023.

Le fait que le gouvernement soit en fin de législature a naturellement eu un impact important sur la faible activité dans le paysage interprofessionnel. Pour ceux qui souhaitaient célébrer les 80 ans du pacte social, cela a été une déception.

UNE ANNÉE SABBATIQUE POUR LE G10 ?

Le Groupe des Dix semble avoir profité d’une année sabbatique. En 2024, aucun progrès n’a été réalisé au niveau interprofessionnel en vue d’élaborer une alternative pour l’avenir de la formation des salaires.

LE CONSEIL NATIONAL DU TRAVAIL RESTE ACTIF

De nouvelles CCT interprofessionnelles ne sont pas nécessairement perçues comme un indicateur positif par les employeurs, car elles ajoutent de nouvelles règles, mais elles montrent néanmoins l’activité de la concertation interprofessionnelle. Quid de la production de nouvelles CCT interprofessionnelles en 2024 ?

Pour le Conseil National du travail, 2024 n’a pas été une année de nouvelles CCT. C’est la deuxième fois depuis le début du 21ᵉ siècle. En revanche, 5 adaptations de CCT existantes ont été approuvées. Ceci correspond à un schéma observé ces dernières années : les années paires produisent moins de CCT, tandis que les années impaires sont plus productives. Au cours des 10 dernières années, 46 nouvelles CCT interprofessionnelles ont été conclues lors des années impaires, contre 5 à peine durant les années paires. Ceci est la conséquence des négociations interprofessionnelles bisannuelles et de la détermination de la norme salariale. Même en l’absence d’un AIP global, les partenaires sociaux interprofessionnels se sont accordés, lors des années impaires, sur certaines dispositions qui peuvent ou non être développées au niveau des secteurs et des entreprises.

Par ailleurs et comme d’habitude, le Conseil National du travail a formulé des avis techniques importants.

Enfin, en 2024, une attention particulière a été portée au Federal Learning Account, la base de données numérique pour les droits à la formation. La mesure gouvernementale a suscité un vif mécontentement parmi les organisations patronales en raison de la surcharge administrative qu’elle engendre. Sa mise en œuvre a été reportée à plusieurs reprises, ce qui pourrait aboutir à son abandon.

UN REGARD SUR 2025

D’un point de vue interprofessionnel, on attend avec impatience les projets d’un gouvernement en formation. La première note du formateur contenait de nombreux points qui pourraient avoir un impact sur le dialogue social. Mécontents, les syndicats ont déjà fixé une série de vendredis pour mener des actions.

 

L’ACTUALITE DES SECTEURS

Peu de nouveautés au niveau sectoriel, les accords dans les commissions paritaires pour les années 2023-2024 ayant déjà été conclus en 2023.

Dans le secteur des titres-services, la tension a augmenté en raison de la dénonciation de la CCT relative à la prime de fin d’année et à la prime syndicale fin 2023. Les syndicats ont organisé une journée d’action en février. En décembre, le gouvernement flamand a décidé (1) d’augmenter le prix du titre-service d’un euro sous condition d’un accord salarial entre les partenaires sociaux, (2) d’indexer l’intervention régionale et (3) de supprimer la déduction fiscale. (Les dernières adaptations des modalités régionales de subsides par la Région Bruxelloise et la Région Wallonne datent de 2013.)

Les secteurs de la surveillance et du nettoyage ont également fait parler d’eux avec une journée d’action internationale en juin.

 

FORMATION DES SALAIRES: REGARD SUR LES PRIMES POUVOIR D’ACHAT

Quelles primes pouvoir d’achat ont été accordées en 2023. Des différences importantes entre les secteurs sont apparues (1) parce que chaque commission paritaire a sa propre définition des notions de « bénéfice élevé » et de « bénéfice exceptionnellement élevé », et (2) parce que la rentabilité est plus élevée dans certains secteurs que dans d’autres.

Les chiffres publiés par l’ONSS donnent une bonne idée de l’ampleur et de l’importance des primes. Globalement, 39.694 employeurs sur les quelque 290.000 affiliés à l’ONSS ont versé une prime Pouvoir d’achat, soit 13,7 %. Ces primes ont bénéficié à 1.079.455 travailleurs sur environ 3 millions, soit 36 %. La prime moyenne s’élevait à 369 euros.

La question de savoir si les CCT sectorielles ont été correctement appliquées dans les entreprises peut être discutée. Il semble peu probable que le SPF ETCS ou l’ONSS effectuent des contrôles. Unizo et d’autres organisations ont critiqué l’interprétation trop large des notions de « bénéfice élevé » dans certaines CCT sectorielles.

LE SECTEUR PUBLIC, EN TÊTE DES CONFLITS SOCIAUX

En matière de conflits sociaux, comme l’année précédente, le secteur public et les services sociaux mènent la danse. La société flamande de transport De Lijn mérite largement le titre de championne des grèves pour 2024, avec 15 conflits recensés, soit 5 de plus que l’année précédente. Elle devance de loin son homologue wallon TEC, qui en a mentionné 8.

La concurrence venait en début d’année du secteur carcéral, où la surpopulation des prisons a engendré une agitation sociale, comme en France.

Les services publics wallons, Bpost à la suite de l’accord sur les journaux et l’enseignement ont également fait la une, même si c’est de manière sporadique.

LA CONCERTATION EN ENTREPRISE DOMINÉE PAR LES RESTRUCTURATIONS ET FERMETURES

Dans le secteur privé, les conflits sociaux ont surtout été liés aux fermetures et restructurations, notamment chez Beaulieu, Barry Callebaut, Decathlon et Milcobel.

L’année 2024 restera dans les mémoires comme celle de la faillite de l’iconique constructeur de bus Van Hool et de la fermeture annoncée de l’usine Audi à Forest.

La faillite a entraîné peu d’agitation sociale et aucun plan social chez Van Hool et ses 2.400 travailleurs. Les mesures d’accompagnement se sont limitées à des efforts pour permettre à certains salariés de la division bus d’être repris par VDL et ceux des véhicules industriels par GRW. Le VDAB a organisé, en collaboration avec Voka, Agoria et mtech+, un salon de l’emploi attirant 1.500 visiteurs.

Chez Audi, les 3.000 travailleurs - sans compter les sous-traitants - ont dû faire face à une fermeture de site sans faillite. La préparation de la fermeture a été un processus long et douloureux qui s’est déroulé dans un climat hautement conflictuel. À l’issue de ce processus, aucun accord sur un plan social n’a été trouvé. La direction a déclaré vouloir approcher chaque travailleur de manière individuelle avec un plan équitable.

Une comparaison des chiffres concernant les licenciements collectifs publiés par le SPF EMPLOI montre que si leur nombre n’était pas exceptionnellement élevé, ils ont par contre touché de nombreux travailleurs.

 

ÉLECTIONS SOCIALES

2024 a été une année d’élections : deux élections politiques et une sociale.

Pendant 150 jours, la concertation au niveau des entreprises s’est focalisée sur les élections sociales.  La presse ne s’y était pas beaucoup intéressée.

Les résultats n’ont pas subi de changements majeurs. Dans les grandes lignes, la répartition est la suivante : CSC remporte 50 % des voix, FGTB 35 %, CGSLB 14 %. Le solde est partagé entre la CNC et les listes individuelles.

Le taux de participation des ouvriers et des employés aux élections sociales tourne autour de 60 %. Les cadres se sont plus que jamais rendus dans l’isoloir. Les jeunes ont, contre toute attente, voté plus que les fois précédentes.

GRÈVES ET CHIFFRES

Les chiffres de la FEB nous apprennent qu’entre 10 et 14 manifestations et grèves nationales sont organisées chaque année. Des chiffres qui font partie de notre patrimoine culturel immatériel. Ou devrions-nous dire patrimoine politique ?

Les statistiques internationales publiées en 2024 par des institutions syndicales attribuent à la Belgique le titre de championne pour son taux de mobilisation. Un titre dont même les syndicats ne se vantent pas, voire même qu’ils contestent parfois.

JURISPRUDENCE

La jurisprudence a également attiré l’attention des médias. La Cour Constitutionnelle a défini les conditions d’une requête unilatérale afin de lever des piquets de grève bloquants. Dans le prolongement de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, la Cour d’Appel de Gand interdit le blocage des accès aux magasins sur simple requête unilatérale.

Le tribunal de Hasselt a interprété la loi sur la norme salariale comme interdisant une augmentation proportionnelle des salaires des travailleurs à temps partiel en cas de réduction du temps de travail. Ce tribunal a exempté une entreprise de l’application de la CCT conclue dans la CP des titres-services qui prévoyait le principe général de la péréquation. On ne sait pas si les parties concernées ont fait appel.

 

LA CONCERTATION SOCIALE DANS D’AUTRES PAYS

PAYS-BAS : L’IMAGE DU MODÈLE DES POLDERS EN DÉCLIN ?

Comme en 2023, il y a eu en 2024 de nombreux conflits sociaux, tant dans le secteur privé que public. Comme dans d’autres pays les syndicats ont organisé une action générale tous secteurs et entreprises confondus pour les retraites anticipées. Ce qui était inhabituel, c’était le conflit prolongé dans la branche de la métallurgie légère, alors que la métallurgie lourde a rapidement trouvé un nouvel accord sectoriel. En septembre, un conflit a éclaté dans les pharmacies et n’est toujours pas résolu. D’autres conflits ont vu le jour chez Heineken, à l’Université d’Amsterdam, chez DSM, dans le secteur de la brique, et chez ProRail, le gestionnaire des infrastructures ferroviaires, provoquant des perturbations dans le trafic ferroviaire.

FRANCE

Le climat social en 2024 semblait moins tendu que l’année précédente, malgré de nombreux tumultes et des menaces d’actions. Les Jeux Olympiques ont constitué une occasion unique pour certaines professions de mettre la pression. Cependant, le terrain de résistance s’est clairement déplacé vers la sphère politique.

ALLEMAGNE

Le plus spectaculaire a sans doute été l’accord sur les mesures d’économie chez Volkswagen, qui établit un équilibre entre une réduction importante des effectifs, un gel des salaires, et la paix sociale.

Dans le secteur de la métallurgie, un accord modéré a été conclu sans conflit notable.

ÉTATS-UNIS

Après la « year of the strike » de 2023, la situation s’est nettement calmée, bien que des signes de reprise de la concertation sociale soient perceptibles. La grève la plus marquante a été celle des ouvriers de Boeing qui a duré plus de cinq semaines, et celle relativement courte mais significative dans les ports.

CANADA

Habituellement, ce pays fait peu parler de lui, mais les conflits en 2024 dans les ports et à la poste ont attiré l’attention. Dans les deux cas, les grèves ont été « brisées » par une intervention gouvernementale imposant un arbitrage.

 

CONCERTATION INTERNATIONALE D’ENTREPRISE

Un pacte international sur l’usage des technologies numériques a été conclu au sein de l’entreprise multinationale Sanofi Italie. Ont été conclus : chez Snecma un accord européen sur la sécurité et la santé, chez Safran une convention-cadre UE sur la combinaison entre vie professionnelle et vie familiale, et chez DHL un accord sur le dialogue à l’échelle européenne.

 

ET enfin

Social Dialogue Network, en collaboration avec le Conseil National du travail, a organisé le 13 novembre une après-midi d’étude sur l’évolution de la concertation sociale. Cet événement a rendu hommage au pacte social de 1944, qui a fêté ses 80 ans, considéré comme l’un des piliers de la concertation sociale.

 


Consultez et téléchargez tous les aperçus ici.

Actualite Concertation Sociale 2025 Pdf
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Le Resume De Lannee 2024 De La Concertation Sociale Pdf
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